Collège Reynerie Toulouse - lettre ouverte à Luc Chatel

Publié le par parents31

Les personnels du Collège Reynerie

(Hors personnels de direction)

1 Rue de Kiev

BP 1136

31036 TOULOUSE CEDEX

 

A Monsieur Luc Chatel

Ministère de l’Éducation Nationale

110 rue de Grenelle
75357 Paris SP 07

 

 

Objet : Lettre ouverte des personnels du Collège de la Reynerie

 

 

Monsieur le Ministre,

 

 

            Nous avons appris le vendredi 9 mars la suppression d’un poste de CPE, d’un poste de documentaliste et de deux supports d’ateliers de SEGPA dans notre collège, classé ECLAIR depuis l'année dernière, tout cela au mépris des délais réglementaires d'annonce de ce type de procédure. Malgré le vote unanime contre ces suppressions de postes dans les Commissions Techniques (CTA et CTSD), convoquées l'une et l'autre 2 fois, malgré 7 jours de grève des personnels et un soutien sans faille des parents d'élèves, malgré une entrevue avec Monsieur Floc'h, Inspecteur d'Académie, puis une entrevue avec Monsieur Dugrip, Recteur d'Académie, malgré nos demandes argumentées qu'ils se sont engagés à vous transmettre, nous sommes toujours dans l’attente d'une réponse de votre part. Pourquoi ?

 

            Notre collège, classé ZEP, puis RAR, puis ECLAIR, a subi de nombreuses épreuves : situé dans un quartier dit "sensible", l'équipe, particulièrement stable, a dû faire face à des moments difficiles : des émeutes (en 1998, en 2005…) ; l'explosion de l'usine AZF ; l'"assouplissement" de la carte scolaire, des rumeurs de fermeture très déstabilisantes… Nous avons toujours fait face, soudés, proches de nos élèves et des familles de ce quartier auquel nous sommes très attachés. A effectif d’élèves constant depuis 3 ans maintenant, notre collège a pourtant perdu 8 postes d’enseignants et 5 personnels de Vie Scolaire au cours des deux années précédentes. L'annonce de ces nouvelles suppressions de postes pour la rentrée prochaine a été reçue comme une gifle cinglante, particulièrement injuste.

 

            Notre incompréhension est totale. Le programme ECLAIR, expérimenté dans notre collège (entre autres), affiche comme objectif principal la stabilité des équipes dans l’intérêt des élèves. Or ces suppressions de postes annoncées au dernier moment déstabilisent les équipes éducatives et pédagogiques et remettent en question nombre de projets en cours et à venir ainsi que l'encadrement éducatif des enfants. Nous ne comprenons pas pourquoi l’intérêt des élèves devrait passer après des considérations purement comptables et administratives.

 

            L'argument avancé par vos représentants dans notre académie se résume à un mot: l'équité ! Certains établissements ECLAIR connaîtraient un déficit de personnels : pour nous aussi, c’est une évidence ! Nous sommes solidaires des personnels du  collège de Bellefontaine, lui aussi ECLAIR, qui se mettaient en grève le vendredi  9 mars à cause du manque d’adultes ; nous sommes solidaires de nos collègues du collège Lalande (ECLAIR) qui attendent depuis des années la création du poste de CPE dont ils ont tant besoin et ce malgré leur mobilisation et celle des parents d’élèves… L’équité selon l’Inspection Académique et le rectorat n’obéit qu’à une seule règle : la logique comptable ! Et celle-ci n'est que le fruit d'une politique délibérée d'abandon de toute ambition éducative pour une majorité des enfants de ce pays.

 

            Nous nous posons une question : qu’ont donc à offrir le Rectorat et l'Inspection Académique de Haute Garonne aux enfants des quartiers populaires ? La seule réponse que nous avons trouvée s'appelle le mépris !

            Mépris envers les élèves tout d’abord. Comment imaginer qu’avec toujours moins de moyens l’avenir de nos élèves s’en trouve amélioré ? Comment envisager qu’avec la perte d’un poste de documentaliste l’accès à la culture serait favorisé ? Comment imaginer que de nombreux projets pédagogiques puissent perdurer ? Qui pourrait croire qu’avec la perte d’un poste de CPE, l’encadrement et le suivi des élèves seraient mieux assurés ?

            Mépris envers les parents d’élèves qui pensent confier leurs enfants à une grande institution, l’Education Nationale, aujourd’hui démissionnaire. Institution qui trompe et abuse les parents avec des discours qui n’ont pour but que de masquer le vide abyssal de son projet pour l’Ecole de demain. Institution stigmatisant tout un quartier (nous n’oublions pas le scandale suscité par les fiches de postes de principal et principal adjoint à l’automne dernier) et les familles qui l’habitent.

            Mépris envers ses propres personnels ravalés au rang de stock de main d’œuvre travaillant dans des conditions toujours plus dégradées, soumis au « management par le stress » et que l’on déplace ou supprime tels de vulgaires outils de production.  Quel manque de considération pour tous ces travailleuses et travailleurs qui défendent chaque jour la qualité d’un service public d’Education Nationale largement mis à mal par une décennie de casse volontaire et programmée ! La souffrance au travail n’est pas l’apanage de grands groupes tels que France Télécom ou la Poste : elle est une réalité chaque jour plus criante pour les personnels de l’Education Nationale et donc du collège Reynerie qu’ils soient fonctionnaires ou précaires. Quel mépris encore pour celles et ceux qui portent haut les valeurs d’éducation, de culture et d’émancipation qui doivent rester les objectifs de l’Ecole !

 

            C'est parce que ces constats nous sont insupportables et que nous n'acceptons pas cette situation que nous vous demandons instamment la reconduction de nos moyens actuels qui ne sont pas des moyens "supplémentaires" mais des moyens nécessaires, qui plus est très bien utilisés par les équipes en place (mise en place de différents projets pédagogiques et éducatifs, baisse du taux d'absentéisme, des exclusions de cours et du nombre de conseils de disciplines, amélioration des résultats au brevet, reconnaissance souvent exprimée de la part des élèves…). Dans cette démarche, nous avons le soutien des parents d'élèves qui ont exprimé, dans une très belle lettre, leur attachement à ce collège et à ses spécificités et qui considèrent ces suppressions de postes comme une discrimination et une remise en cause de l'égalité des chances. Nous savons aussi pouvoir compter sur le soutien de nos collègues des autres établissements ECLAIR, eux-mêmes en difficultés de fonctionnement faute des moyens nécessaires. Comme nous ils ont bien compris que "prendre aux pauvres pour donner aux pauvres" ne peut pas et ne doit pas être la seule ambition affichée par le Ministère de l'Education Nationale. Enfin une première réunion publique nous a permis de mesurer le soutien que nous apportent les habitants du quartier, de nombreuses associations ainsi que divers élu(e)s : Députés, représentants du Conseil Général et de la mairie de Toulouse…

 

            Comptant donc sur l'attention que vous voudrez bien porter à ce courrier, et dans l'attente d'une réponse de votre part pour pouvoir reprendre notre travail dans des conditions correctes et dans un climat serein, nous vous assurons de notre attachement au service public d'Education Nationale et à un même droit à l'éducation pour tous les enfants de ce pays, quels que soient leurs origines sociales et le lieu où ils vivent.

 

Les personnels du Collège de la Reynerie (enseignants, vie scolaire, agents…)

mobilisés pour le maintien de tous les postes.

Publié dans ACTION !

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